Je le détestais. Oui, je le détestais. Ce voisin toujours ivrogne m’inspirait le dégout. Au quartier, personne ne l’appréciait. On ne le voyait jamais propre. Ses habits dégageaient toujours une forte odeur d’alcool et de sueur. Les gens l’évitaient. Personne n’osait le défier : notre ami, passait de longues années en prison. Certains disent qu’il volait des maisons. D’autres prétendent qu’il tuait son ami et son cousin lors d’une bagarre.
En été, il se réunissait au balcon avec sa femme et ses nombreux enfants (sept, si ma mémoire est bonne). On entendait ses cris, ses vulgaires phrases et les insultes qu’il adressait à sa femme. L’homme perdait complètement la conscience sous l’effet de l’alcool. Il augmentait le volume de la chaine stéréo et ordonnait sa femme de danser sur la musique du « Mezoued ».
Elle, bizarre comme lui, n’hésitait pas à l’obéir. Je la croisais souvent chez l’épicier. La pauvre, nécessitait de nombreux traitements esthétiques : une silhouette déformée, une poitrine excessivement hypertrophiée, un visage rempli de taches noires et des cheveux décoiffés et très mal colorés. Son sourire laissait surgir une dent en or et une canine perdue.
Un incident se produit
Un jour, je marchais tranquillement dans la rue. Des enfants, ou plutôt des délinquants échangeaient des jurons et des gros mots à haute voix. Tout à coup, commençait les jets de grandes pierres. J’étais complètement terrifiée. Je commençais à courir lorsque quelque chose de très lourd attaquait mon crâne sans pitié. Mon sang jaillissait abondamment. Je commençais à m’évanouir.
Je n’avais que quatorze ans je ne savais pas quoi faire. Je pensais à la mort. Je pensais à mes parents qui, à ce moment-là était au boulot. Et surtout personne ne me venait en aide. Une voiture était garée à droite. Le conducteur faisait semblant de lire un journal.
Un ivrogne me sauve la vie
Je continuais à marcher comme une bête blessée sans pouvoir me retenir les pieds, lorsque apparaissait le voisin que je détestais de tout mon cœur…
En une fraction de seconde, l’homme déchirait sa chemise et me donnait le tissu pour fermer la plaie. Il me faisait monter sur sa vieille moto et se dirigeait à toute vitesse vers sa maison. Je ne sentais plus l’odeur de l’alcool ni l’odeur de la sueur. Mes mains l’entouraient. M’accrocher à lui, signifiait pour moi, m’accrocher à la vie !
Après trois ou quatre blasphèmes sa femme apparaissait enfin. Elle s’asseyait derrière moi et se chargeait de maintenir le torchon tout rouge et de me soutenir pour ne pas perdre l’équilibre.
La vieille moto traversait les rues cruellement, grillait les feux, franchissait les sens interdits pour que je me retrouve au service d’urgence de l’hôpital le plus prêt. Je perdais toutes mes forces. La dernière phrase que j’entendais « où êtes-vous bande d’incompétents, la fille va mourir ! Et j’ai fermé les yeux…
Mon voisin ivrogne et criminel a sauvé ma vie. Pourquoi je le détestais autant ? L’atrocité peut cacher un grain d’humanité. Ceux qu’on désire parfois éradiquer de la société en guise d’avoir la paix peuvent avoir un côté humain. Et peuvent aussi, nous rendre service lorsque ceux « les plus éduqués » s’abstiendront de réagir…